On s’est rencontré à Rome en 1997, tous deux pensionnaires & voisins de palier à la Villa Médicis, sans oublier un troisième larron, le cinéaste César Vayssié. On a surtout causé cuisine & musique, hors champ culturel, avec ce plasticien bourguignon. Ironiste des terroirs imaginaires, il avait projeté de cultiver des poireaux – son légume fétiche –, dans les jardins de l’honorable résidence. Mais, ayant goûté à toutes sortes de litrons italiens, il en a retouché au lie-de-vin les étiquettes sur des cahiers d’écolier. Quant aux cadavres de bouteilles, il s’en est servi pour une de ces pièces montées dont il a le secret. Parce que ce libertin rural aime brouiller les pistes, entre installations de banquet, land art maraîcher, dessins culinaires, calligraphie d’école élémentaire et concerts impromptus rock-garage. Parmi ses chimères objectales : des poêles Godin aux tutus roses, des rosaces en tuyau d’arrosage, des jardins zen parsemés de poireaux, des serpillières en guise de tapisserie… Et selon un art désuet de l’esquisse, des motifs à la plume célébrant les vestiges dépareillés, décalés, dissonants de dame Nature : poulets frits, polochons et phallus entrelardés de victuailles et autres drapés xviiie. Éternel amateur du coq à l’âne des styles, indifférents aux normes du contemporain, son gai savoir fouriériste assume sa part de maladresse, de pied de nez, de fiasco, mais aussi une discrète mélancolie comme dans sa récente série de masques en ciment si lisses que dépourvus de visage… Sauf ton sourire en coin, l’ami Didier. – archyves.net – Yves Pagès – Didier Trenet