Renouant avec l’esprit anarchisant de la Ligue des anti-proprios des années 1890, l’ouvirer tapissier Georges Cochon crée la Fédération nationale des locataires en janvier 1910. Revendications de base : insaisissabilité du mobilier, paiement à terme échu, travaux à la charge du propriétaire. Méthodes employées: déménagement collectif des locataires insolvables, défilé derrière la fanfare dite Raffût de Saint-Polycarpe, puis relogement dans des appartements vides ou d’autres lieux plus insolites. Trois ans durant, Cochon et ses compagnons rivalisent d’astuces subversives: occuper la cour de la Préfecture de police ou la Bourse des valeurs, construire des abris de fortune dans le jardin des Tuileries, installer une famille de dompteur, animaux compris, chez un conseiller municipal récalcitrant ou négocier avec la comtesse de La Rochefoucauld l’hospitalité de son hôtel particulier pour cinquante expulsés. Les détails de cette épopée d’exception ont fait l’objet d’un feuilleton publié dans L’Humanité en 1935. Parfois présenté comme le premier squatter, Cochon s’inspire plutôt du syndicalisme d’action directe vanté par Émile Pouget, avec un sens du coup d’éclat (de rire) qui gagne la sympathie des chansonniers et de toutes les gauches, de la Guerre Sociale aux jauressistes. Mais sa candidature aux municipales de mai 1912, le privant du soutien des libertaires, finira par saborder la dynamique d’un mouvement trop identifié à son seul leader.