Yves Pagès – Un bouquin qui m’a donné du fil à retordre, plusieurs fils justement. En parallèle avec ma thèse sur Céline, j’étais parti sur trois pistes romanesques. Primo, un récit épistolaire avec les testaments successifs d’un journaliste suicidaire reculant toujours l’échéance annoncée pour mieux sauter d’une époque à l’autre (1919-1981). Deuzio, l’entretien d’embauche d’un cobaye pharmaceutique virant au monologue du recruteur, un spécialiste du rhume de cerveau. Tertio, une enquête sur la mort accidentelle d’un coursier, boulevard Barbès, détaillant les motifs zoologiques, intimes ou urbanistiques… de ce fatal concours de circonstances. Le lien entre ces histoires autonomes, disons leur prétexte commun, s’est précisé en cours de route, sous la forme anecdotique du « pigeon » : pigeon voyageur pour le pigiste colombophile ; pigeon vecteur de maladie pour le chercheur de virus ; pigeon fienteur pour le cyclomotoriste conchié in extremis. Vieille obsession enfantine, ces pigeons à ma fenêtre. D’ailleurs, maintenant, je les prends en photo. À l’époque, ça m’a servi de point de confluence – autour de l’idée du « parasite » –, de façon à la fois bébête et plus subtile. Avec le recul, parfois, je regrette d’avoir trop sacrifié au triptyque, gâché des possibles. Chaque partie aurait pu développer sa fiction autonome. Et puis non, à y regarder de plus près, l’ensemble forme une seule et même zone de trouble.