«Des souvenirs qui iraient droit au but, petite machine à remonter le temps, sans coup faillir, avec lieu et date à l’appui, ça n’a jamais été mon fort. Tout ce que j’ai vécu, pensé ou écrit jusqu’ici et maintenant, c’est à partir de ce point faible: une mémoire prise en défaut, mitée, indistincte. Et à la place, un tas de chaînons manquants à n’en plus finir, des visions spectrales, des bribes inarticulées, des tableaux incomplets, des corps chimériques, des ensembles flous. […] Alors, pour pas louper le coche, j’ai voulu collecter à mesure ces brefs aperçus, prendre en note des gouffres intérieurs, en quatre cinq lignes sur le papier, sinon c’est vite buvard dans les méninges, gros pâté ou aquarelle abstraite, et puis à force de se délaver, tache aveugle le lendemain. Un peu comme avec les portraits au Polaroid, quelques minutes pour se révéler plus nets que nature, et quelques décennies pour perdre leurs couleurs, virer au blanc absolu, sauf que là, désolé pour la pauvre métaphore, c’est juste le contraire. » Ainsi débutait l’avant-propos des états successifs de Souviens-moi entamé sur archyves.net au printemps 2011. Trois ans plus tard, ce chantier à ciel ouvert allait devenir un livre grâce aux Éditions de l’Olivier. [avant-propos complet sur ce pdf]- Yves Pagès - archyves.net