Yves Pagès – Peu touché à la photo, du temps de l’argentique. Pourtant, fin 70, c’était en vogue. Des copines surtout qui shootaient noir & blanc, glissait leur bobine dans d’oranges sachets Kodak, lorgnaient leur planche-contact au coupe fil, cochaient cinq six prises d’un flou très artistique et passaient leur week-end en salle de bain calfeutrée à attendre la révélation, sous un lumignon rouge – comme les red lights des filles de joie de Soho. Rituel artisanal plutôt sexy, mais intimidant. Plus tard, j’ai voulu capter d’ex-fresques publi-citaires sur des murs aveugles. Pas le bon objectif, mise au point nulle, contre-plongée déformante, bof. Ensuite, conseillé par un pro, Franck Courtès, j’ai acheté un 6x6 de marque soviétique et portraituré des collégiens. Trucage élémentaire, suffisait de rembobiner d’un cran pour superposer deux clichés, chaque môme face & profil. Variation anthropométrique, sans suite, sauf l’affiche des Gauchers sur scène. Sans oublier les éphémères polaroïds : ça a donné une affichette des Carabiniers et le roman-photo inachevé d’un atelier-vidéo à Paris-8. Rien d’autre jusqu’à l’arrivée du numérique. Et là, depuis dix ans, grâce à l’(a)mateur Benjamin Servet, avec par mail sa photo quotidienne, un vrai déclic. Au contact aussi du cinéaste César Vayssié et du metteur en scène Benoît Bradel, l’envie d’aller voir ailleurs, du côté du visuel. Manquait plus que le regard complice du graphiste & plasticien Philippe Bretelle pour tenter ici certaines fusions texte-image.