Yves Pagès – À l’origine de la plupart de ces textes courts, la commande d’une revue ou d’un festival. Mais déjà, le mot « commande » suffit à me faire perdre mes moyens. Parce qu’y revient en douce l’idée d’une soumission scolaire : on me dicte ceci cela, et je devrais m’exécuter. Du coup, j’évite au maximum ce type d’exercices obligés. Si l’intitulé est assez lâche, je fais ma mauvaise tête en le retournant contre lui-même. Par exemple, faute d’une vraie « lettre de rupture », je m’adresse au rectorat pour exiger l’annulation de mes diplômes ; ou d’une « recette de cuisine » perso, je m’inspire d’un vieux traité sur l’art d’économiser les restes… littéraires. Les contraintes oulipiennes sont plus excitantes – fausses notices & mots fléchés –, à condition de n’en pas faire système. Plus rarement, l’offre consiste en quelques milliers de signes sans alibi thématique. Ça m’a permis d’approcher le roman noir sur une vingtaine de pages ou d’autonomiser un chapitre embryonnaire du Théoriste. Et puis, il y a l’art du bref qui s’est imposé tout seul, hors sujet, de longue date. Inclassables textes ramassés sur eux-mêmes, hors tout diktat romanesque, qui attendent dans leur coin, brouillons orphelins, avant de faire série. Comme avec Petites Natures mortes au travail et Portraits crachés. Et ici même, dans le sillage de cette passion mineure : un semblant d’abécédaire infantile Pseudo-Dico et un recueil collectif de textes courts, Enfin brefs.