Yves Pagès – La première moitié des années 70, ses archipels groupusculaires, ses utopies concrètes, ses Édens stupéfiants, ses marges d’errances, j’en ai beaucoup entendu causer : en bien ou en bad trip. N’empêche, pure mythologie de seconde main. À cinq ans près, j’ai tout manqué, sauf par procuration. Du coup, pour exhumer tel écrit marquant, faute d’avoir vécu l’époque, ses espoirs illimités, ses échecs partiels et l’amertume qui remet les compteurs à zéro, le tri s’est fait avec le recul du temps – garder ce qui a résisté aux jargons d’alors et qui, contre l’actuel cynisme, résiste encore. Parmi le vrac des early seventies, quelques perles rares: du côté des manifestes psychédéliques, pro-Black Panthers ou du Front de Libération de la Jeunesse, du côté de Guy Hocquenghem, du FHAR ou des pourfendeuses du «sexisme ordinaire». Entre autres… à suivre. Quant à l’autre versant, à partir de 1977, là je me souviens que ça vire au Métal urbain du punk parigot, à l’énergie du désespoir ouvrier vers Longwy, au clash politique des groupes autonomes, au double bind de la lutte armée, aux suicides orchestrés outre-Rhin & incarcérations de masse en Italie. Mémoire trouble qui mérite mieux qu’un legs crépusculaire. Et pour ouvrir la série : Le vrai Art Nouveau, recueil d’articles parus dans Libé, pour un « illégalisme » au quotidien, signés Jules Van, alias Frédéric Joignot & Julien Blaine, sans oublier les tracts, fanzines et graffiti qui font la nique aux blasés d’hier et d’aujourd’hui.