Yves Pagès – Durant cinq longues années à bosser autour de Céline pour ma thèse de doctorat, publiée par la suite, j’ai pris de drôles d’habitudes, académiques. Sans tomber dans le jargon spécialisé non plus, mais j’ai donné des gages à un certain esprit de sérieux universitaire, entre rigueur et raideur, intériorisées à l’excès pour camoufler ma gêne. Depuis, sitôt l’idée de commenter tel œuvre posthume, ça me reprend en traître, cette langue presque étrangère, avec ses manies & lourdeurs démonstratives, et ça me coupe l’envie à la racine. D’où une longue période d’abstinence en la matière, sauf à l’oral dès que l’occasion se présente, jusqu’à plus soif. Quant aux auteurs immédiatement contemporains, surtout ceux que je connais entre les lignes, j’ai scrupule à les soumettre à quelque exercice d’admiration ou de détestation. D’autant que, chez Verticales, c’est mon boulot depuis dix ans de présenter en long & en large les nouveautés du catalogue. Et même sur le pense-bête ou je blogue à part, je préfère éviter de causer des bouquins qui viennent de sortir, sauf les essais qui donnent à penser autrement et ailleurs que dans le petit cercle vicieux d’une littérature se commentant le nombril à l’infini. Sinon, on finit par ne chercher dans chaque roman qu’un fil généalogique, les prestiges d’une influence, des signes de piste intertextuels. Alors que la fiction, j’y crois plus que jamais, ça me cultive sur le grand dehors du monde, pas sur le champ étroit de la culture. Maurice ciantar, lydie salvayre, witold gombrowicz, Jean-paul sartre, gilles deleuze, lucien descaves